Le CICE et le Pacte de responsabilité en France
Aujourd’hui, près de huit ans après la crise financière de 2008, la France arbore un PIB par habitant toujours inférieur à son taux d’avant-crise. Le chômage atteint plus de 10 % de la population active, concernant un million de demandeurs d’emploi de plus qu’au début de l’année 2008. Les allègements fiscaux adressés aux entreprises par une mobilisation budgétaire conséquente de l’Etat ont-ils été de nature à favoriser une éventuelle impulsion de l’économie depuis leur mise en place ?
La compétition fiscale qui existent dans les pays de la zone euro avait conforté le gouvernement dans la mise en place d’une politique de l’offre, à travers le rapport Gallois remit en 2012, afin de soutenir la compétitivité, favoriser la capacité des entreprises à investir et stimuler ainsi l’emploi. Cela s’est donc traduit par une politique visant à inciter l’activité des entreprises par une diminution du coût du travail et une baisse de la fiscalité.
Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est un des instruments choisis et mis en oeuvre en 2014, auquel s’est additionné le pacte de responsabilité, appliqué en 2015. Ces outils représentent à l’horizon 2017 une baisse de fiscalité pour les entreprises de 41 milliards d’euros par an.
Largement financé par une restriction budgétaire de l’Etat, ainsi qu’une augmentation pour 10 milliards d’euros de la TVA et de la fiscalité écologique, donc de la fiscalité sur les particuliers,
le CICE s’adresse à toutes les entreprises sujettes à l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu. Son montant est égal à 6% de la masse salariale pour les rémunérations inférieures à 2,5 fois le SMIC. Ce taux est progressif: de 4% la première année, il passe à 6% pour les suivantes. D’après le Ministère des finances publiques, le CICE représenterait en 2016 une dépense de 18,5 milliard d’euros.
Quant au Pacte de responsabilité, intégralement financé par des dépenses publiques, 2017 se traduirait par une baisse de la fiscalité de 11 milliards d’euros, avec la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (qui finançait la protection sociale des travailleurs indépendants, passant au régime général), de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés (concernant les entreprises au chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros), de la diminution de l’impôt sur les sociétés et d’une baisse des cotisations sociales patronales sur les salaires d’un montant de 1 à 1,6 fois le SMIC (allègements sur les bas salaires, là où les réticences liées au coût du travail sont les plus importantes). À partir d’avril 2016, cette baisse de cotisation s’adressera aux salaires compris entre 1,6 et 3,5 fois le SMIC. À cela s’ajoute une baisse des cotisations familles des indépendants et des artisans à hauteur d’un milliard d’euros.
Ce soutien aux entreprises a pour but d’apporter des marges et une capacité d’investissement accrues par une baisse du coût du travail, donc de production, qui aboutit soit à une diminution des prix et une hausse de compétitivité et des exportations, soit à une hausse des marges permettant un allègement de la pression financière et favorise l’investissement et l’embauche.
Le taux de marge des entreprises s’est largement amélioré sur les cinq derniers trimestres, allant de 29,2% à 31,2% de la valeur ajoutée au troisième trimestre 2015. Une augmentation d’un point, parallèle à la baisse des prix du pétrole en tant que consommation intermédiaire, ce qui amène à une augmentation du taux de marge d’environ 1,5 points. Il en reste que la forte augmentation des salaires réels a réduit la hausse de ce taux à 0,5 point. D’après l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques (OFCE) cependant, les effets d’une telle augmentation du taux de marge favorise certes la compétitivité mais n’entraine pas d’investissements conséquents à court terme, contrairement à une hausse d’activité. En effet, une augmentation la valeur ajouté de 1% entrainerait dès le premier trimestre une augmentation de l’investissement de 1,4%.
En ce qui concerne les résultats, l’OFCE a considéré que ces mesures allaient créer 430 000 emplois entre 2015 et 2017, dont 270 000 avec le CICE et 114 000 pour les allégements sur les salaires de 1 à 1,6 fois le SMIC et 48 000 pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMC. Concrètement, selon des données provenant des comptes nationaux et recueillis par l’OFCE, jusqu’au 2e trimestre 2015 pour seize branches, couvrant 99,5 % de la valeur ajoutée de l’économie française, les branches ayant reçu le plus de CICE ont vu une hausse relative plus importante des salaires, de créations ou de sauvegardes d’emplois. A pu également être constaté dans une certaine mesure une baisse des prix de vente. En effet, pour un montant de CICE valent 1 % de la masse salariale, l’emploi d’une branche augmenterait de 0,5 % par rapport aux autres branches, parallèlement à une hausse de 0,7% des salaires.
Cependant, le blocage de l’impulsion économique tient beaucoup au fait que le financement du CICE et du Pacte de responsabilité entraine une forte diminution du pouvoir d’achat des ménages, baissant la demande qui a des effets sur les profits des entreprises. Il en reste que seule les évaluations comparatives macroéconomiques permettent d’apporter une réponse aux effets sur la croissance et l’emploi de telles politiques. Les conséquences d’un tel financement se font effectivement ressentir dans les restrictions budgétaires de l’Etat qui freinent la consommation. Selon l’OFCE, tous ces effets pris en considération ne permettraient de créer que 200 000 emplois sur trois ans, ayant à court terme un effet négatif sur la croissance économique, amplifié par le chômage de masse actuel[4].
En définitive, le CICE et le pacte de responsabilité ne se sont pas traduis pas une reprise marquée de l’activité économique française entre 2014 et 2015. L’année 2016 pourrait inverser la perspective avec des efforts toujours plus importants pour soutenir le pouvoir d’achat, d’autant plus que la chute du cours du pétrole ou encore les taux d’intérêts avantageux notamment grâce à la Banque Centrale européenne vont dans ce sens.
Maud Barcelo Martinez (Le Journal Juridique)
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